segunda-feira, 5 de novembro de 2018

 

   Place de l'Odéon. Une femme me touche l'épaule. Elle doit joindre sa soeur, son télèphone est déchargé. Ses soixante ans parlent pour elle: je lui tends l'appareil. Elle ne sait pas comment ça marche. Elle préfère me dicter les chiffres. Son agenda en main, la femme s'interrompt: "Vous avez l'air triste, jeune homme." Je dis: "Mélancolique, peut-être. - Rien de grave j'espère?- Est-ce que l'amour est grave? - Vous avez rompu avec une fiancée?- Quelque chose comme ça." Silence. La femme reprend la parole: " Vous savez, une amie me disait ces mots voilà quelques jours: j'ai quitté trois fois mon mari. Je ne le supportais plus. Puis un jour j'ai retrouvé la pierre précieuse. Quand on aime quelqu'un, on a aimé sa pierre précieuse. L'éclat se ternit avec le temps. Elle s'oxyde, ou quelque chose comme ça. Mais il ne faut pas oublier la pierre précieuse que l'on a vue un jour."  
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 Dreyfus, Arthur. Histoire de ma sexualité. Paris: Éditions Gallimard, 2014, p 233.
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